Les édifices sous vocable Saint Joseph 

 

Eglise Saint-Joseph des Servites de Marie à Bastia, de Brustico (commune de Carcheto en Castagniccia), Nessa en Balagne, Bastia (Archiconfrérie de St Joseph) ; les chapelles de Corbara, Felce, Serra di Ferro, San-Martino di Lota, Ajaccio ...

 

Voir notre page sur les Couvents des Servites de Marie

Carcheto- Brustico - Eglise St Joseph
Carcheto- Brustico - Eglise St Joseph
Nessa - Eglise St Joseph
Nessa - Eglise St Joseph

Corbara - Chapelle St Joseph
Corbara - Chapelle St Joseph
San Martino di Lota (Mucchiete) Chapelle St Joseph
San Martino di Lota (Mucchiete) Chapelle St Joseph
Felce (Milaria) Chapelle St Joseph
Felce (Milaria) Chapelle St Joseph
Serra di Ferro (Pietra) - Chapelle St Joseph
Serra di Ferro (Pietra) - Chapelle St Joseph

 

Dans les autres églises, nombreux sont les autels et les chapelles dédiés au saint :

 

Muro - Eglise de l'Annonciation - Autel St Joseph
Muro - Eglise de l'Annonciation - Autel St Joseph
Vallica - Eglise de la Nativité - Autel St Joseph
Vallica - Eglise de la Nativité - Autel St Joseph

Brando - Lavasina - Autel St Joseph
Brando - Lavasina - Autel St Joseph
Ville di Paraso - Eglise Saint Simon - Autel St Joseph
Ville di Paraso - Eglise Saint Simon - Autel St Joseph

Pianu - Eglise Saint Roch - Chapelle St Joseph
Pianu - Eglise Saint Roch - Chapelle St Joseph
Pila Canale - Eglise St Pancrace - Autel St Joseph
Pila Canale - Eglise St Pancrace - Autel St Joseph

 

Le culte rendu à Saint Joseph est donc toujours vivace aujourd'hui à Ajaccio, à Bastia * par exemple où chaque année, le 19 mars, la fête de Saint Joseph est l'occasion de cérémonies et de rencontres autour de l'église Saint-Joseph, siège de l'archiconfrérie de Saint-Joseph, église qui présente la particularité d'appartenir à la population du quartier.

 

En pleine épidémie de covid, le pape François décide de placer l'année 2020 sous le patronage de Joseph, désigné 150 ans plus tôt par Pie IX patron de l'Eglise catholique lors de la fête de l'Immaculée Conception en décembre.

 

Cette initiative a donné lieu à des messes et processions où se sont retrouvées nombre confréries de l'île - même si c'était interdit en cette période de pandémie.

 

*Cf Tempi fà : Fêtes religieuses, rites et croyances populaires de Corse, Pierre-Jean Luccioni & Gjasippina Gianesini, Albiana éditions 

 

 

Mais l'épisode de sa vie qui fait de Joseph le parangon du chrétien, le soldat du Christ ... c'est sa mort.

 

Edifiante s'il en est ;  enviable, puisqu'il meurt comme tout croyant souhaiterait mourir : entouré du Christ et de Marie.

 

C'est ce qu'on appelle La Bonne Mort

 

 

 

SAINT JOSEPH : "LA BONNE MORT"

(mise à jour août 2023)

 

 

C'est un certain Isidore de Isolanis, moine dominicain de Pavie, qui, en 1552, dans "la Somme des Dons de saint Joseph" popularise le récit apocryphe de la mort de Joseph.(Louis Réau op.cit.). Selon un écrit copte du IVe s. , Joseph serait mort à 111 ans entouré du Christ et de la Vierge.

 

Nicolas Mattei rappelle aussi le poème en latin de 3000 vers de l'universitaire et théologien Jean Gerson (1363-1429) Josephina daté de 1416 (Le Baroque religieux corse, op.cit.)

 

La mort de Joseph est enviable puisqu'il meurt comme tout croyant souhaiterait mourir : entouré du Christ et de Marie. C'est "la bonne mort", celle que tout un chacun devrait rechercher. Il fallait donc se préparer à prononcer ses dernières paroles, ses novissima verba* les plus aptes à vous ouvrir les portes du ciel ...

 

*novissima verba : les dernières paroles d'un mourant. 

 

Les confréries jouaient un grand rôle dans l'accompagnement des mourants, les aidant justement à accomplir une bonne mort.

 

L'exposition du Musée de Corte en 2010 : Les Confréries de Corse, une société idéale en Méditerranée a consacré une section à ce sujet "Le bien mourir ou "de la mort exposée à la mort dérobée", A bona morte o "da morte sposta a morte piatta" (1).

 

Ce sujet extrêmement populaire a été abondamment traité par les artistes dès la fin du XVIe s.

 

Le grand modèle est le tableau, conservé à Vienne, de Carlo Maratta peintre romain du XVIIe s. dont l'oeuvre a circulé un peu partout, par la gravure aussi, y compris en Corse.

 

Carlo Maratta - Kunsthistorisches Museum de Vienne.
Carlo Maratta - Kunsthistorisches Museum de Vienne.
Carlo Maratta - Gravure fin XVIIè s. - anonyme italien - Musée du Louvre
Carlo Maratta - Gravure fin XVIIè s. - anonyme italien - Musée du Louvre

 

L'oeuvre de Francesco Trevisani de l'église des Jésuites Sant'Ignazio de Rome a été,  elle aussi, abondamment copiée.

 

Trevisani - La mort de Saint Joseph - Rome - Eglise St Ignace
Trevisani - La mort de Saint Joseph - Rome - Eglise St Ignace

 

Sur le tableau de Carlo Maratta,  on voit Joseph sur son lit présenté en diagonale ; Marie est assise à son chevet ; Jésus debout au premier plan à droite montre du doigt le Ciel qui l'attend.

 

Dans le registre supérieur, des anges sur des nuées s'étagent dans la diagonale inverse : l'un porte le bâton fleuri, un autre, le visage tourné vers le ciel désigne l'agonisant  à Dieu le Père pour qu'il l'accueille.

 

 

 

En bas à gauche un ange aux cheveux bruns, à genoux, prie  ; au-dessus de lui, un autre tient un vase d'encens dont la fumée s'élève. Au pied du lit sont disposés les outils du charpentier. 

 

Esthétique baroque : envol des corps et des étoffes, drapés et couleurs vives des vêtements et du drap qui couvre Joseph, dont le torse découvert est celui d'un homme mûr et fort : il est l'image de "l'athlète du Christ"

 

 

EN CORSE

 

Voyons la réalisation du thème dans les églises et chapelles de Corse.

 

 

Marc'Antonio De Santis  à Pietricaggio.

 

Pietricaggio - Marc-Antonio De Santis (circa 1650)
Pietricaggio - Marc-Antonio De Santis (circa 1650)

 

 

La composition d'abord :

 

On a rencontré souvent cette disposition qui présente Joseph de face au centre de la toile.

 

Ici le ciel s'ouvre en deux au-dessus du lit de Joseph, présenté de face, la colombe faisant le lien trinitaire.  Dieu le père supervise la scène.

 

 

 

Il y a du monde sur la toile : en haut des anges musiciens (violon, tambourin, tambour) ; en bas Saint François s'invite anachroniquement au chevet de Joseph ; même profil que le Christ lui-même, comme le "double" de Jésus qu'il est. A droite de Marie, deux anges signalent par le geste de leur bras l'ici-bas et l'au-delà.

 

 


 

 

Scène familière, voire familiale : Jésus essuie avec soin le visage de son père et lui soutient la main. Marie, au beau profil "santinien" soutient la tête de son époux.

 

 

 

 

Derrière Marie, une table portant une coupe et un plat  anticipent peut-être la Cène à venir. Des détails de couleur rouge de la Passion éclairent la toile : ceinture ou ailes des anges, robes ou manteau de la Vierge, du Christ et des anges.

 

Même si le regard de Joseph est un peu exophtalmique (en même temps il est en train de mourir !), on est séduits par la finesse des profils et l'acuité du regard des autres personnages dont on ressent la gravité et la compassion.

 

 

On distingue, en bas à droite au dessus de l'espèce de feston entre les pieds de la table, le monogramme du peintre et une date (?).

 

 


 

 

Pietr'Anto Rossi (actif entre 1692 et 1722) :

 

Les toiles de Parata, Aregno, Carcheto, Corbara présentent nombre de traits communs : même composition, même physique des personnages.

 

 

 

 

 

 

 

 

La toile de l'église Saint-Roch à Occiglioni en Balagne pourrait être aussi de ce peintre (?)


 

 

 

 

 

 

 

Nous avons vu à Lucca, à l'église Santa-Maria, un tableau  similaire.

 


 

 

Ignazio Saverio Raffalli le vieux en 1740 pour l'église Saint-Roch de Pianu :

 

 

 

 

Bien sûr les très prolifiques Giacomo Grandi et Francesco Carli se sont penchés au chevet de Joseph :

 

Giacomo Grandi d'abord, actif de 1742 à 1772 :

 

A Altiani, Sant'Andrea di Bozio, San Lorenzo, Scolca.

 

Même composition plutôt inspirée de Trevisani : la diagonale du lit du mourant traverse la toile en sens inverse.

 

Même position des autres personnages, décor intérieur soigné : montants du lit, draperies à pompons, ciel très peuplé, Trinité, bâton fleuri, outils ...

 

         Altiani - Eglise de l'Annonciation                      Sant Andrea di Bozio

                   San Lorenzo                                   Scolca - Eglise San Mamilianu

Sant'Andrea di Bozio (Cortenais) - Mort de St Joseph - Giacomo Grandi
Sant'Andrea di Bozio (Cortenais) - Mort de St Joseph - Giacomo Grandi

 

 

De Francesco Carli (1735-1821), nous connaissons : Aiti, Cambia, Rapaggio, Tallone, Moita.

 

Moïta - détail -
Moïta - détail -

 

 

Le Maître des Anges musclés dont l'identité a enfin été récemment dévoilée grâce à Jean-Charles Ciavatti et Michel-Edouard Nigaglioni (voir notre page) - il s'appelle Giuseppe Ronchi - a traité ce thème pour l'église Saint-Michel de Nocario.

 

 

 

P.-M. Novellini (1831-1921) pour l'église de Santa-Maria Poggio  s'inspire aussi de Carlo Maratta.

 

Comme ce tableau de Calenzana :

 


Santa Maria Poggio - Mort de Saint Joseph (PM Novellini)
Santa Maria Poggio - Mort de Saint Joseph (PM Novellini)
Calenzana - Eglise Saint Blaise
Calenzana - Eglise Saint Blaise

 

Un grand ange s'apprête à emporter Joseph :

 

Ajaccio - Eglise St Erasme des marins
Ajaccio - Eglise St Erasme des marins
Tox - Eglise St Jean-Baptiste (Ignazio Raffalli 1776)
Tox - Eglise St Jean-Baptiste (Ignazio Raffalli 1776)

Bonifacio - Oratoire St Jean-Baptiste - Mort de St Joseph - M. Novellini 1860
Bonifacio - Oratoire St Jean-Baptiste - Mort de St Joseph - M. Novellini 1860

 

Dans le récent catalogue de son exposition "Peintres de l'école corse et commanditaires bonifaciens" visible l'été 2022, Michel-Edouard Nigaglioni commente ce tableau de Novellini et l'apport de la gravure dans cette oeuvre :

 

"Le peintre suit (...) un modèle prestigieux diffusé par la gravure. Il copie assez fidèlement une oeuvre dont l’original fut peint par le bolonais Giuseppe Maria Crespi (1665-1747)13. On note avec amusement que le tableau de Crespi fut diffusé sous forme de gravures inversées (en effet, le dessin ayant été gravé sur plaque de cuivre dans le sens du tableau s’est retrouvé inversé de gauche à droite sur les tirages imprimés.

 

GM Crespi - La mort de St Joseph 1712 (ME Nigaglioni)
GM Crespi - La mort de St Joseph 1712 (ME Nigaglioni)

 

Aussi Novellini s’est-il retrouvé devant un problème de composition. Sur l’estampe qu’il a copiée, le Christ semble bénir saint Joseph de la main gauche (puisque la composition est retournée). Dans sa copie, Novellini a donc pris la liberté de modifier la position des bras du Christ, afin que son geste de bénédiction soit effectué par la main droite.

 

On note que le tableau souffre actuellement de repeints tardifs qui altèrent quelque peu sa finesse d’origine".

 

 

La scène de la bonne mort de Joseph présente encore, dans les oeuvres suivantes, un caractère familier et familial ; un contact physique s'établit, comme on l'a vu à Pietricaggio.

 

Jésus assis au chevet soutient la tête de son père adoptif, l'entoure de son bras ou prend sa main, ou Joseph pose sa tête sur l'épaule du Christ, tandis que Marie serre sa main avec affection ou prie avec ferveur.

 

Ile-Rousse un tableau de Vicente Suarez ; Penta di Casinca, Loriani-Cambia, Venzolasca.

 

L'agonie est dramatisée par la convulsion du corps comme à Novella.

 

 

 

 

Citons aussi B. Bertoletti à Casamaccioli en 1932 et  par souci d'inventaire  le tableau peu réussi de l'église de Sarrola-Carcopino.

 



Ajaccio - Ecole Forcioli-Conti (ancien couvent des Jésuites) - Cliché ME Nigaglioni

 

 

Joseph "athlète du Christ".

 

On peut être surpris qu'un homme si âgé soit représenté avec un corps d'homme en pleine maturité.

 

L'idée est que les saints sont de véritables soldats du Christ et leur stature physique traduit la force de leur âme et de leur foi. (Nocario, Calenzana, Novella ...)

 

 

 

La bonne mort ailleurs :

 

 

Sources :

 

Louis Réau Iconographie de l'art chrétien.

 

Nicolas Mattei Le Baroque religieux corse, op.cit. p.156

 

Les Confréries de Corse, Albiana 2010.

 

Michel-Edouard Nigaglioni Encyclopédie des peintres actifs en Corse.

 

(1) "Les confréries eurent pour mission, au cours des siècles, d'aider l'agonisant à bien mourir en l'invitant à "faire son testament pour mettre en ordre ses affaires, à s'en remettre à Dieu et à la cour céleste pour le salut de son âme".

 

Elles accompagnaient le défunt, de la levée de corps à la sépulture. Elles prenaient en charge les frais de funérailles, priaient et faisaient célébrer des messes en suffrage de leurs âmes. Elles s'affirmaient aussi comme des médiateurs et des intercesseurs privilégiés".

 

 

RETOUR A SAINT JOSEPH page 1