SAN QUILICO (SAINT CYR) EN CORSE 1ère partie

 

janvier 2021 - mise à jour août 2023

 

 

 

La légende

 

Quilico, Quilgu, Quirice, Chirgo, Chirgu ... ces noms désignent un même personnage, Saint Cyr, dont l'histoire et le martyre relèvent de la légende.  

 

Giocatojo - Eglise San Quilico
Giocatojo - Eglise San Quilico

 

Cyr ou Syr "le Syrien", ainsi qu'on appelait tous les étrangers venant d'Orient, est un jeune enfant originaire de Tarse (capitale de la province romaine de Cilicie en Turquie).

 

Fils de Julitte, une noble veuve chrétienne, il fut martyrisé avec sa mère, à l'âge de trois ans, ce qui fait de lui l'un des plus jeunes martyrs de la chrétienté.

 

L'histoire se déroule sous le règne de Dioclétien (244-ca 311).

Suite aux édits de ce dernier ordonnant la persécution des chrétiens (en 303), Julitte (Giulitta) et son fils qui, venant d'Iconium (actuelle Konya), s'étaient réfugiés à Tarse, furent arrêtés et martyrisés, sur ordre d' Alexandre, gouverneur de Cilicie. 

 

 

Le martyre de l'enfant est exemplaire : les sévices les plus affreux  aussi invraisemblables par leur nature que par leur nombre, lui sont infligés, avec cette particularité qu'avec l'aide de Dieu, tous se retournent contre les bourreaux. 

 

Enfin, le gouverneur projette l'enfant en bas des marches du trône où il se fracasse la tête. Quelques images de cette scène en Corse : 

Monticello - Martyre de Sainte Julitte et Saint Cyr - restauré par Renato Boi à l'initiative de Pierre Martelli, prieur de la Confrérie San Carlo de Monticello
Monticello - Martyre de Sainte Julitte et Saint Cyr - restauré par Renato Boi à l'initiative de Pierre Martelli, prieur de la Confrérie San Carlo de Monticello
Monticello - attribué à Giacomo Grandi par Renato Boi le restaurateur.
Monticello - attribué à Giacomo Grandi par Renato Boi le restaurateur.
Monticello - sainte Julitte
Monticello - sainte Julitte
Poggio di Venaco - Martyre de St Cyr et Ste Julitte
Poggio di Venaco - Martyre de St Cyr et Ste Julitte

 

Dans ce tableau de Poggio di Venaco, très soigné et très composé (lignes verticale et diagonale, arrière-plan architecturé, fond paysagé), la tête blonde du bambin auréolée d'or qui lui donne un air de petit Jésus, attire immédiatement l'oeil.

 

Le sang à terre et sur son front, la position de ses membres ainsi que la main ouverte du gouverneur assis sur son trône sont explicites : l'enfant vient d'être précipité au sol. 

 

 

A gauche un soldat romain musculeux, vêtu d'une armure qui attire la lumière, tourne la tête vers la femme à genoux qui supplie, mains jointes et pieds nus (presque caravagesque !), qu'on épargne son fils : c'est Julitte, déjà auréolée. 

 


 

Le regard du spectateur suit d'une part la diagonale en plongée qui réunit les bourreaux, Julitte et les pleureuses, à droite. Et d'autre part la ligne verticale qui, de la colonne du fond à l'enfant martyr sépare les deux groupes de personnages.

 

Dominant la scène un angelot en envol brandit la palme du martyre.

 

Le décor de palais est très soigné : tentures rouges derrière Alexandre, niche abritant une statue (idole ?), baie ou galerie à colonnes ouvrant sur un paysage paisible. C'est une belle oeuvre : de qui ? Ecole italienne ? Legs Fesch ? 

 

 

 

Les trois femmes forment un groupe compact et impuissant.

 

La vieille femme de sa main, grande ouverte, retient ou console la plus jeune.

 

Les plis ondoyants des vêtements, les coiffes travaillées des femmes, aux visages crispés et douloureux, le jeu des regards et des mains, dramatisent la scène.

 

C'est un crime sans égal depuis le massacre des innocents qui vient d'être perpétré.


Olmo-Eglise St-Cyr & Ste-Julitte-décor peint de Domenico Paccioni-1890
Olmo-Eglise St-Cyr & Ste-Julitte-décor peint de Domenico Paccioni-1890

 

 

Le culte

 

Geneviève Moracchini-Mazel (Corsica sacra op. cit. pp29-31) a dénombré en Corse au moins 51 sanctuaires dédiés à San Quilicu au Moyen Age. Beaucoup ne sont que vestiges ou lieux-dits. Mais on peut voir encore aujourd'hui quelques belles églises et de nombreuses chapelles. 

 

Pieve de Corse ayant eu des sanctuaires dédiés à San Quilico au Moyen Age :

 

Orto (Furiani), Caccia (Moltifao, Canavaggia), Casinca (Castellare di Casinca, Vescovato, Porri), Giussani (Vallica), Nonza (Olcani), Rosolo (Poggio d'Oletta), San Quilico (Pieve), Olmia (Calenzana), Sia (Ota-Porto), Cinarca (Arro), Sevedentro (Marignana), Luzzipeu (Calenzana), Filosorma (Manso), Sagona (Balogna), Ampugnani (Giocatojo, Silvareccio, Quercitello), Rostino (Morosaglia, Castineta, Bisinchi), Campoloro (San Giuliano), Verde (Canale di Verde, Tallone), Serra (Zalana), Bozio  (Sermano), Alesani (Pietricaggio, Perelli), Vallerustie (Cambia), Talcini (Tralonca), Venaco (Poggio di Venaco), Rogna (Pietraserena), Covasina (Serra di Fiumorbo), Castello (Lugo di Nazza), Aregno (Aregno), Niolo (Calacuccia), Carbini (Carbini), Santa Reparata (Monticello), Ajaccio (Albitreccia), Appietto (Appietto), Mezzana (Sarrola), Ornano (Campo, Guargualè, Forciolo), Talavo (Cozzano), Veggeni (Fozzano), Scopamene (Aullene), La Costa (Coti-Chiavari), Figari (Figari).

 

"Et si l'on considère que même sur les portes en bois des édifices, les artisans représentaient cet enfant et sa mère, on peut présumer le degré de sa popularité."

 

 

L'iconographie

 

Comme San Vito (saint Guy), saint Cyr est représenté en petit enfant ou en garçonnet, vêtu d'une toge romaine, pieds nus, chaussé de sandales ou de "caligae". Il fait souvent plus âgé que ses 3 ans ! et tient la palme du martyre ou un crucifix.

 

Arro
Arro
Vezzani
Vezzani
Vezzani - verrière
Vezzani - verrière

Giocatojo (Castagniccia)- San Quirice
Giocatojo (Castagniccia)- San Quirice
Pietraserena
Pietraserena
Lugo di Nazza
Lugo di Nazza
Monticello - Saint Cyr
Monticello - Saint Cyr

Cardo-Torgia
Cardo-Torgia
Cozzano
Cozzano

Cozzano - Verrière
Cozzano - Verrière
Loreto di Casinca
Loreto di Casinca
Vallica (Cortenais) - Statue de Damasio Luiggi, sculpteur local formé à l'école italienne de Montecatini
Vallica (Cortenais) - Statue de Damasio Luiggi, sculpteur local formé à l'école italienne de Montecatini
Cambia - Chapelle San-Quilico
Cambia - Chapelle San-Quilico
Piobetta- Donation du Rosaire à St Dominique et st Cyr et Ames du Purgatoire-XVIIIe s. restauré en 2004 par Ewa Poli
Piobetta- Donation du Rosaire à St Dominique et st Cyr et Ames du Purgatoire-XVIIIe s. restauré en 2004 par Ewa Poli

 

L'artiste peut aussi montrer l'enfant vêtu dans le style de son époque, comme à Vallica ou à Aullène.

 

Vallica - Giacomo Grandi - L'Immaculée Conception, St Roch et St Cyr vêtu comme au XVIIIè
Vallica - Giacomo Grandi - L'Immaculée Conception, St Roch et St Cyr vêtu comme au XVIIIè

 

San Quilico est l'ancien patron de Vallica. L'actuelle église de la Nativité de Notre-Dame remplace une église du VIIe s. en ruines, dédiée à San Quilico.

 

Aullène (Chapelle St Antioche) Vierge à l'enfant, St Antioche et St Cyr
Aullène (Chapelle St Antioche) Vierge à l'enfant, St Antioche et St Cyr
Cateri  - Eglise du couvent de Marcassu - Pietr'Antonio Rossi - Immaculée Conception - St Servant et St Cyr - Stes Julitte, Catherine d'Alexandrie (roue dentée) et Apolline (tenailles) - 1712
Cateri - Eglise du couvent de Marcassu - Pietr'Antonio Rossi - Immaculée Conception - St Servant et St Cyr - Stes Julitte, Catherine d'Alexandrie (roue dentée) et Apolline (tenailles) - 1712
Cateri - Saint Cyr
Cateri - Saint Cyr

 

Dans ce tableau extrêmement peuplé, la Vierge de l'Immaculée Conception occupe la place centrale, entourée d'une mandorle de flammes.

 

Dans le registre supérieur Dieu le Père et des angelots porteurs des objets symboliques attachés à la Vierge : l'étoile et le miroir à droite, les roses à gauche. Le paysage en arrière-plan reprend d'autres éléments des Litanies de la Vierge : la Tour, le puits, le cèdre.

 

A droite, trois saintes martyres figurées comme des dames de la cour : Sainte Catherine d'Alexandrie et la roue de son supplice, sainte Apolline et les tenailles qui arrachèrent les dents, Sainte Julitte, mère du petit Saint Cyr (San Quilico) présent à gauche, palme à la main.

 

En bas à gauche le donateur : 

 

voir notre page les anges au miroir 

Sarrola-Carcopino - Donation du Rosaire en présence de Saint Laurent et Saint Cyr - restauré par Domenico Desanti en 1880
Sarrola-Carcopino - Donation du Rosaire en présence de Saint Laurent et Saint Cyr - restauré par Domenico Desanti en 1880
Sarrola Carcopino - détail
Sarrola Carcopino - détail
Taglio-Isolaccio (Taglio) - St Cyr, St Dominique, Ste Lucie
Taglio-Isolaccio (Taglio) - St Cyr, St Dominique, Ste Lucie
Zoza (région de Sartène) - Eglise Sainte-Marguerite - Vierge à l'Enfant, Ste Marguerite et St Cyr - Francisco Zignago 1750/1810
Zoza (région de Sartène) - Eglise Sainte-Marguerite - Vierge à l'Enfant, Ste Marguerite et St Cyr - Francisco Zignago 1750/1810
Zoza (région de Sartène) - San Quiricus
Zoza (région de Sartène) - San Quiricus

Cambia Chapelle romane San Quilico (Cortenais)

 

De nombreux spécialistes (1) ont étudié les chapelles à fresques de Corse. En janvier 2021 a paru le dernier état des recherches en la matière (2). Il n'y a rien à ajouter à ces études ... Regardons.

 

Rendez-vous avec San Quilico sous les chênes, en bas du village de Cambia, par le chemin muletier.

 

Cambia- aquarelle de Marie-Pierre Imbert-Olivier pour "Fresques de Corse" (Jean-Paul Imbert & Jacques Faliès- éd. Autres Temps-2007)
Cambia- aquarelle de Marie-Pierre Imbert-Olivier pour "Fresques de Corse" (Jean-Paul Imbert & Jacques Faliès- éd. Autres Temps-2007)
Cambia - Plusieurs hypothèses pour ce personnage mystérieux qui brandit un glaive : moine franciscain, tueur de la "biscia", monstre de l'Ostriconi ? - St Michel ? - Ici s'opposent le Mal et le péché (tympan de la tentation) et le Bien triomphant du Mal
Cambia - Plusieurs hypothèses pour ce personnage mystérieux qui brandit un glaive : moine franciscain, tueur de la "biscia", monstre de l'Ostriconi ? - St Michel ? - Ici s'opposent le Mal et le péché (tympan de la tentation) et le Bien triomphant du Mal
Cambia - Tympan ouest - L a tentation d'Adam et Eve
Cambia - Tympan ouest - L a tentation d'Adam et Eve

 

Tout autour de la chapelle sont sculptés des modillons très expressifs : êtres grotesques, impudiques ou fantastiques comme l'art roman les aime ; motifs floraux et géométriques. 

 

Cambia - Fresques du XVIè (1576 ?) restaurées par Madeleine Allegrini, restaurateur du patrimoine
Cambia - Fresques du XVIè (1576 ?) restaurées par Madeleine Allegrini, restaurateur du patrimoine
Cambia
Cambia
Programme de l'abside de San Quilico de Cambia (extrait de Camille Faggianelli (op.cit.)
Programme de l'abside de San Quilico de Cambia (extrait de Camille Faggianelli (op.cit.)
Cambia - La Trinité entourée d'anges et du tétramorphe
Cambia - La Trinité entourée d'anges et du tétramorphe
Cambia - Le soleil et la lune aux visages humains et sur le livre : "Ego sum lux mundi et via veritas"
Cambia - Le soleil et la lune aux visages humains et sur le livre : "Ego sum lux mundi et via veritas"
Cambia - St Michel peseur d'âmes et pourfendeur de dragon (écoinçon de gauche)
Cambia - St Michel peseur d'âmes et pourfendeur de dragon (écoinçon de gauche)
Cambia - Les jambières de St Michel ornées de têtes effrayantes aux dents crochues
Cambia - Les jambières de St Michel ornées de têtes effrayantes aux dents crochues

Cambia - Le démon tente d'attraper avec une sorte de pince l'âme présente dans le plateau de la balance
Cambia - Le démon tente d'attraper avec une sorte de pince l'âme présente dans le plateau de la balance
Cambia - Signature de l'artiste - eio pr iuani di moriani fecit
Cambia - Signature de l'artiste - eio pr iuani di moriani fecit

Cambia - Les Apôtres, Jean, André, Pierre et la Vierge à l'Enfant (gauche de l'abside)
Cambia - Les Apôtres, Jean, André, Pierre et la Vierge à l'Enfant (gauche de l'abside)
Cambia - Le collège des Apôtres : Paul, Jacques, Philippe, Barthélémy,Simon (droite de l'abside caché par l'autel baroque et sa structure))
Cambia - Le collège des Apôtres : Paul, Jacques, Philippe, Barthélémy,Simon (droite de l'abside caché par l'autel baroque et sa structure))
Cambia - Julitte et St Cyr (petit personnage au manteau rouge dont on aperçoit la tête) - écoinçon droit de l'arc - tête de San Barnaba
Cambia - Julitte et St Cyr (petit personnage au manteau rouge dont on aperçoit la tête) - écoinçon droit de l'arc - tête de San Barnaba

 

Il semble plus cohérent de voir Sainte Julitte et Saint Cyr dans l'écoinçon droit ci-dessus, plutôt que Marie, comme le dit Camille Faggianelli qui s'appuie sur le fait que cet emplacement est traditionnellement réservé à la Vierge à cette époque.

 

 

Le dessin de ces personnages ne témoigne pas d'un grand talent. Les attitudes sont raides, les visages sont bien plats ; les cheveux des uns sont peints comme la barbe des autres ...

 

Mais on est touché par la rondeur bonhomme de Dieu le Père, le réalisme du Christ en croix, la profusion des motifs (l'espace est rempli à craquer), la variété des décors (robes des apôtres, frises), l'effort de perspective (les carreaux sous les pieds de Saint Michel) et de menus  détails (les mules des Apôtres par exemple).

 

On serait tenté de reprendre l'image un peu éculée du livre d'images ; plus que cela, c'est une immersion dans un univers aux couleurs de la piété.

  

 

Cl. Elizabeth Pardon
Cl. Elizabeth Pardon

 

 

Notes : (1) Geneviève Moracchini-Mazel : Les Eglises romanes de Corse (op.cit) 

 

Camille Faggianelli, Image et prière : l'art monumental de la fresque dans la Corse génoise (1386-1513)

 

Joseph Orsolini : L'Art de la fresque en Corse (1450-1520), éd. du Parc naturel régional de Corse.

 

Claudine et Philippe Deltour-Levie, Les édifices romans de la Corse, éd. Alain Piazzola, 2020

 

Deux sites remarquables souvent cités ici :

 

Elizabeth Pardon : des pages sensibles et éclairées sur la chapelle San Quilico (elizabeth.pardon.hautetfort.com)

 

Claudine et Philippe Deltour-Levie (corse-romane.eu) 

 

(2) Michel-Edouard Nigaglioni et alii, Fresques de Corse et de Méditerranée occidentale, regards croisés, Actes du colloque de novembre 2018, Collectivité de Corse et Ed. Eoliennes, 2020.

 

 

Lugo di Nazza : Eglise San Quilico

 

Sur la rive du Fiumorbo, le village, chef-lieu de l'ancienne pieve de Castello, a été très important au XVe s. sous l'influence des caporaux Da Luco.

 

Pour l'anecdote, c'est là qu'a débuté en 1984 la carrière de I Muvrini, dont le concert avait été d'abord interdit.

 

Construite en 1598, l'église de Lugo (de lucus, bois sacré) est considérée comme un des premiers édifices baroques de Corse. Elle figure en 1686 au compte rendu de la visite apostolique de Mgr Giovanni Battista Spinola, évêque de Luni et Sarzana.

 

 

 

Le clocher, un des plus beaux de Corse, est attribué au célèbre Domenico Baïna artiste italien actif en Corse de 1695 à 1732 (Tomino, La Porta). 

 

Il date du début du XVIIIe s., siècle qui a vu de nombreux embellissements de l'église, comme le XXe s. aussi. Et lors de notre passage en 2014, des artisans s'activaient encore à la rénover.

"San Quilico prend place parmi les églises paroissiales construites au temps de la République de Gênes, durant l'épiscopat de deux évêques d'Aleria les plus connus pour leur action en faveur du renouveau du Diocèse, Alexandre Sauli (1534-1593) et Ottavio Belmosto (Venzolasca Royaume de Corse 1559-Rome 1618)", (Jacques Andréani *). Nous sommes là entre 1570 et 1608.

*Jacques ANDREANI, U Lucu-di-Nazza, des origines à nos jours, Société historique de Corte, 2010.

 

À l'époque, le village ne compte que trois cents âmes et l'église en forme de croix latine recevant deux chapelles latérales sert de cimetière et même de lieu de réunion. Le clocher d'une trentaine de mètres de hauteur dispose de cinq étages. Construit vraisemblablement au début du XVIIIe siècle, il fut endommagé par la foudre en 1950, réparé puis restauré en 1998.

 

Lugo di Nazza - Clocher de 30m à 5 niveaux  séparés par des bandes moulurées et sommé d'un clocheton hexagonal (Domenico Baïna)
Lugo di Nazza - Clocher de 30m à 5 niveaux séparés par des bandes moulurées et sommé d'un clocheton hexagonal (Domenico Baïna)

 

"On a érigé ce temple le 16ème siècle déclinant déjà (à la fin du 16ème siècle). Dédié au saint Cyr, il a reçu une consécration solennelle et a ouvert ses vantaux  aux fidèles du Christ, afin d'honorer Dieu très Bon et Très Grand, en l'année du Seigneur 1598."

 

Lugo di Nazza - Saint Cyr le doigt levé vers le Ciel, le pied gauche en appui pour s'élever dirait-on.
Lugo di Nazza - Saint Cyr le doigt levé vers le Ciel, le pied gauche en appui pour s'élever dirait-on.

 

Cette magnifique porte sculptée qui date de 1750 ou 1790 a demandé 500 heures de restauration.

 

On y voit de haut en bas : encadrant le médaillon de saint Cyr, deux angelots, l'un porteur des attributs des martyrs (palme et couronne) et la colombe de la paix (?) ; l'autre, entonnant gaiement de la trompette. 

 

 

 

Un bandeau montre des profils humains et des rinceaux végétaux tenus par des putti. 

 

 

Le bandeau inférieur s'orne de symboles connus : colombe, fleur de lis ? (Marie) et des pampres (le Christ).

 

 

Plus bas, à gauche, saint Cyriaque (san Ciliaco), le diacre exorciste ; st François d'Assise aux stigmates ; à droite  Julitte et son fils.

 

 

 

Les panneaux suivants sont richement décorés de motifs. 

 

Le dernier bandeau présente deux lions à visage humain, gardiens traditionnels des lieux sacrés.

 

Traités en grotesques, celui de gauche tire la langue et celui de droite a cinq pattes !

 

A la même époque, d'autres trésors, aujourd'hui restaurés, ont embelli l'église :

 

- la chaire de Filippo Francesco Filippi (datée du 27 août 1743) en bois marqueté, dont le culot représente un grotesque tirant la langue (au Mal ?).  

 

- le tabernacle, entièrement refait (400 h de travail et 5 essences différentes).

 

- le décor peint.

Lugo di Nazza - la chaire en bois marqueté
Lugo di Nazza - la chaire en bois marqueté
Lugo di Nazza - La chaire de Francesco Filippi 1743 - le masque du culot tire la langue au Vilain.
Lugo di Nazza - La chaire de Francesco Filippi 1743 - le masque du culot tire la langue au Vilain.

Lugo di Nazza - le tabernacle refait avec 5 essences différentes et 400 h de travail
Lugo di Nazza - le tabernacle refait avec 5 essences différentes et 400 h de travail
Lugo di Nazza - maître-autel
Lugo di Nazza - maître-autel
Lugo di Nazza - Sainte Julitte et Saint Cyr
Lugo di Nazza - Sainte Julitte et Saint Cyr

 

Lors de sa visite pastorale de 1589, Mgr Mascardi signale une église paroissiale San-Quilico (IXe ou XIe s.) dans le village primitif de Nazza détruit par les Sarrasins dit-on.

 

Elle fut remplacée comme église paroissiale par l'église Saint-Cyriaque (déjà signalée en 1560), plus proche du nouveau centre de population et aujourd'hui en ruines dans le cimetière. 

 

C'était un lieu de sépulture collective ("arca"). Lors de fouilles, raconte J. Andréani, on a trouvé dans l'autel la tombe d'une petite fille, habillée et  les mains jointes.

 

Lugo-di-Nazza - Chapelle Saint Cyriaque (Ciriaco) au cimetière
Lugo-di-Nazza - Chapelle Saint Cyriaque (Ciriaco) au cimetière
Lugo di Nazza - St Cyriaci
Lugo di Nazza - St Cyriaci

Ces dernières années, des travaux considérables ont été mis en oeuvre pour restaurer l'église et le village :

 

"Bernard Benedetti, aujourd'hui disparu, et son frère François, en charge de la gestion communale, ont depuis des décennies veillé à restaurer et protéger les joyaux patrimoniaux du village. Tout comme leurs prédécesseurs d'ailleurs puisque l'église ne va cesser de connaître en quatre cents ans de nombreux travaux d'aménagement et d'embellissement.

L'installation en 1750 de la grande porte en bois polychrome fut l'un d'eux. 1997 fut plus récemment le début de la grande restauration de l'église.

Murs intérieurs, pavements, reconstruction du maître-autel, ouverture de fenêtres, pose de vitraux, habillage en granit des pilastres, peinture et fresques des autels et des voûtes redonnèrent à l'édifice toute sa magnificence à l'image de la porte polychrome qui subit deux belles restaurations. Maintenant protégée des affres du vent et de la pluie par un sas vitré, elle offre au visiteur toute la richesse de la menuiserie religieuse corse.

Après les travaux réalisés sur la place de l'église, "FanFan" Benedetti obtint du service patrimoine de la Collectivité de Corse un financement de 80 % du total prévu pour la réfection du toit de l'église. Commencé à la fin du mois de novembre 2021, le chantier mené par l'entreprise Piacentini vient de s'achever fin janvier. Posées sur des fermettes et charpentes en châtaignier et pin, les lauzes ont remplacé les tuiles, donnant à la paroisse belle allure.

À Lugu, passé, présent et avenir s'entrelacent. Le projet Petra viva fera du site un village atelier, véritable pôle de référence pour la restauration du bâti, une belle initiative qui, tout en redonnant vie au village, participera de la préservation du patrimoine sur toute la côte orientale."

Corse Matin 22/02/2022