Sainte Julie, cette jeune femme cruellement martyrisée au IVe s. est la patronne secondaire de la Corse, comme Sainte Dévote, avec qui on la confond parfois.
LA LEGENDE
Son histoire, sa "Passio" est controversée.
Première version : née à Carthage dans une noble famille, Julie fut vendue comme esclave après l'invasion des Vandales de Genséric en 439.
Son maître Eusèbe, un marchand syrien, l'admirait et la respectait pour la voir suivre avec ferveur et persévérance les préceptes de la religion.
Au cours d'un voyage en Gaule pour vendre des marchandises précieuses et où il a emmené Julie, Eusèbe fait escale à Nonza dans le Cap Corse, où l'on s'apprête, au cours d'une grande fête, à sacrifier un taureau aux dieux païens. La jeune fille qui réprouve ces rites païens reste sur le bateau.
Mais quand Félix Saxo le gouverneur local apprend sa présence et son hostilité aux dieux païens, il enivre Eusèbe, envoie chercher de force la jeune fille et - air connu- lui demande de sacrifier à ses dieux. Refus argumenté.
Battue, fouettée, traînée par les cheveux, Julie sera crucifiée. Alors, une colombe s'échappa de sa bouche et s'envola vers le ciel.
Cette version est celle des Bollandistes, cette société belge créée par les Jésuites, qui s'occupait de la vie des saints.
Seconde version de la Passion de Santa Ghjulia :
Julie serait née à Nonza et martyrisée pour les mêmes raisons après qu'on lui aura coupé les seins.
De ceux-ci jetés de la falaise, jaillirent deux fontaines miraculeuses. Cela se passait sous le règne de Dioclétien, grand persécuteur des chrétiens, en 303.
Mystérieusement informés par des anges, les moines du monastère de l'île de la Gorgone, embarquèrent pour le Cap Corse et recueillirent la dépouille de la jeune fille. En chemin, ils confièrent des reliques aux moines de l'île de la Capraia.
Selon certains hagiographes, deux cents ans plus tard, la reine Ansa femme de Didier roi des Lombards, fit ramener les reliques de Julie de la Gorgone à Brescia, dans un monastère.
LE CULTE
Honorée dès le IVè s., la sainte est surtout fêtée aujourd'hui à Nonza, lieu de son supplice. Un sanctuaire a été érigé là où ses seins coupés auraient été jetés et où auraient jailli deux fontaines. Leur eau réputée miraculeuse évitait au lait maternel de se tarir. Ce fut ainsi un lieu de pèlerinage très fréquenté.
Santa Ghjulia est fêtée le 22 mai.
Sur les origines du culte, Geneviève Moracchini-Mazel (Corsica Sacra op. cit. pp 9-13) tout en déplorant l'absence de recherches archéologiques autour de Nonza, avance la possibilité d'un sanctuaire paléo chrétien dès le IVe s.
Elle privilégie la version selon laquelle Julie serait bien Africaine : des reliques de la sainte, venues d'Afrique, seraient parvenues en Corse à cette époque, dans les ports, comme à Tavaria, marine de Propriano-Viggianello où subsistent les ruines de l'abbadia Santa Ghjulia, et à Santa Ghjulia de Porto-Vecchio par exemple.
Ci-dessous on distingue deux pierres en archivolte qui proviendraient d'une construction plus ancienne.
L'ICONOGRAPHIE
Julie est représentée avec la palme du martyre, la croix de son supplice et la colombe.
On l'a vue plusieurs fois tenant une maquette d'église ou de monastère, voire de tour. Allusion au sanctuaire de Brescia ? à l'église de Nonza ? ou bien confusion avec sainte Dévote ou sainte Barbe ?
Sur les tableaux et les gravures, on voit souvent un paysage de mer, la tour de Nonza en toile de fond.
Voir aussi plus bas la peinture plafonnante de l'église de Nonza (Morazzani)
LES EDIFICES AUJOURD'HUI
Peu d'édifices sont consacrés à Santa Ghjulia en Corse.
BONIFACIO Chapelle Santa Ghjulia à Chiova d'Asino
Chapelle érigée au milieu du XIXè siècle. Lors de la délibération du conseil municipal, datée du 19 mars 1876, il est fait état d'une proposition émanant des habitants de Chiova d'Asino concernant la réparation d'une église se trouvant dans leur section.
Ces derniers souhaitent "ne plus être obligés d'aller dans une autre commune pour leur besoin spirituel". Notice de la CTC.
L'EGLISE SAINTE-JULIE DE NONZA (Cap Corse)
L'autel est dominé par une statue de la Vierge à l'Enfant. Chaque portique supporte une statue : Saint François d'Assise à droite et Saint Bernardin de Sienne à gauche.
Le maître autel provient du couvent franciscain. L'autel d'origine, orné d'un cartouche figurant le martyre de Sainte Julie a connu bien des tribulations avant de réintégrer l'église de Nonza où il orne l'autel secondaire de la Crucifixion.
Repéré par Mgr Casanelli d'Istria, évêque d'Ajaccio, lors d'une visite pastorale, il prit place dans le Grand Séminaire d'Ajaccio.
La tradition rapporte que lors du débarquement à Ajaccio, la porte du tabernacle tomba à la mer et ne fut jamais retrouvée ; le fait fut interprété comme une manifestation du mécontentement de la sainte.
Quatre prêtres de Nonza obtinrent de récupérer l'autel contre un don pour la construction de l'Eglise du Sacré-Coeur.
L'église est divisée en trois nefs. 6 chapelles s'ouvrent sur les nefs latérales : à gauche : Saint Erasme, les Ames du Purgatoire et La Donation du Rosaire. A droite : Santa Giulia (don de Franciscolo Giuliani), Alexandre Sauli et du Sacré-Coeur orné du tableau de la Crucifixion.
La Vierge et l'Enfant entourés de Saint Antoine abbé et Saint Jean-Baptiste en présence de Saint Dominique et Sainte Catherine, donnent le rosaire au pape accompagné des principaux participants à la bataille de Lépante.
Le 7 octobre 1571 au large de Patras en Grèce, la Sainte Ligue réunie par le pape Pie V pour freiner l'expansion ottomane attaqua la flotte du sultan Selim II emmenée par Ali Pacha. Pie V, adorateur fervent du Rosaire, avait eu une vision de la victoire et en conséquence institua la fête de Notre-Dame de la Victoire, suivi en cela par son successeur Grégoire XIII, qui fixa la date de la fête et lui donna le nom de Notre-Dame du Rosaire.
La présence de Pie V et Grégoire XIII, aux côtés des chefs de guerre Juan d'Autriche, demi frère de Philippe II d'Espagne qui commandait la flotte chrétienne et de Giovanni Andrea Doria est tout à fait cohérente avec le sujet du tableau.
Les costumes et les parures (fraises, cheveux soigneusement coiffés) signent l'époque du tableau.
Le motif de la mer, d'où venaient tempêtes, naufrages, invasions barbaresques et contrebandiers est omniprésent dans l'église, comme dans le tableau ci-dessus, la donation du Rosaire, les nombreux ex-voto de marins et les détails de décoration.
Cette très belle église fait l'objet d'une campagne de restauration qui touche actuellement la sacristie, en grand danger, avant de traiter le précieux mobilier qui vient du couvent Saint-François.
La Sainte-Julie à Nonza.
C'est toujours un jour de fête même si les pratiques se sont allégées.
"La préparation de la célébration de Sainte Julie commençait bien avant le 22 mai. Dans le mois précédant la célébration, les jeunes du village se retrouvaient après dîner pour nettoyer le chemin de la procession.
"On nettoyait l'église à grandes eaux !
On faisait même fondre la cire collée sur les chandeliers...
Il fallait que tout soit parfait pour Sainte Julie."
Le 22 mai était consacré à la fête
religieuse.
La journée commençait par une première messe de communion dite à la chapelle. La seconde était dite à l'église à 9h. Lors de
la troisième, à 10h, les reliques de Sainte Julie étaient exposées. Arrivaient
alors les habitants d'Olmeta-di-Capicorsu...
"Ils venaient à pied par le chemin d'Olmeta.
Ils étaient en procession derrière leur bannière et faisaient le tour de la place avant de monter à l'église."
La Grand Messe de 11h était alors célébrée à Sainte Julie.
L'après-midi avait lieu le Salut du Saint Sacrement, suivi de la procession à la Chapelle
Sainte Julie. La statue de la Sainte était portée par quatre hommes se relayant depuis l'église jusqu'à la chapelle, puis dans le village, vers la gendarmerie. Le Dio vi salvi Ghjulia était chanté sur l'air
du Dio vi salvi Regina.
"Dio vi salvi, o Giulia,
Vergine incoronata,
Madre nostra avvocata,
In paradisu ..."
Au retour sur la place, les participants de la procession effectuaient la granitula (l'escargot) avant de remonter à l'église pour porter leur respect aux reliques de Sainte Julie.
Le soir, point de fête de
village ! Les familles de Nonza étaient en revanche nombreuses à inviter les voyageurs, parents et amis venus pour
l'occasion.
La fête attirait en effet des Corses de toute la région du Cap et de la Balagne. Des marchands forains étaient même installés entre l'église et l'actuel bar de la
Tour.
Aujourd'hui, Sainte Julie est célébrée le week end précédant ou suivant le 22 mai. Une messe est dite en l'église Sainte-Julie et la procession a toujours lieu jusqu'à la chapelle, mais plus dans le village.
Les associations de Sainte Julie et des Amis du site de Nonza offrent ensuite une petite fête musicale sur la place du village.
(Source : site internet ame-nomade.fr)
SAINTE JULIE AILLEURS
Giulia est la patronne de Livourne : une église et un musée d'art sacré lui sont consacrés. Brescia possède un monastère et un Musée placés sous son vocable.
Le tableau de Bosch ci-dessous est la partie centrale d'un triptyque. La sainte crucifiée serait Julie ou Liberata (dite Wilgeforte, la vierge forte) sainte martyre (inventée) et honorée en Flandre et au Brabant.
Brescia - Eglise Sainte-Julie où sont conservées la plupart des reliques de Sainte Julie
LIVOURNE - Eglise Sainte-Julie
Panneau "a tempera" représentant les différents épisodes du martyre de Sainte Julie - Musée de l'église - Auteur inconnu, école Giotto ?
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Bibliographie
Geneviève Moracchini Mazel, Corsica sacra
Oreste Tencajoli, Chiese di Corsica
Jean Luccioni,Tempi fà les pratiques religieuses
Inventaire de la CTC
Corse romane