V. ASCO :  L’EGLISE SAINT-MICHEL- ARCHANGE :

 

2è partie.

 

 

"LA CRUCIFIXION" RESTAUREE

 

Pour la fête de la Saint-Michel 2021, l'église d'Asco a retrouvé son tableau de la Crucifixion.

 

La restauration est l'oeuvre de Madame Madeleine Allegrini, restaurateur du patrimoine à Calenzana qui nous a autorisés à publier le rapport de chantier transmis à la mairie d'Asco.

 

Rapport de chantier

 

"Pose et dépose de la toile ; traitement de consolidation sur place.

 

La toile a été transportée à plat sans encadrement car celui-ci avait été cloué à son chassis désolidarisé de la toile.

 

Traitement du revers avec rentoilage et fourniture d'un chassis à clé.

 

Grâce à la mise en place d'un bâti de tension provisoire et de nombreuses manipulations, nous avons pu obtenir une planéité de la toile.

 

Les greffes de pièces sur les trous ont été effectués à l'aide de morceaux de toiles anciennes enduites, ce qui a permis un rentoilage de cire résine (Bewa). Ce choix de procédé s'est imposé étant donné l'extrême fragilité de la toile d'origine, oxydée, trouée et usée.

 

Leur pose a été effectuée avant le nettoyage des surfaces, mais après le décrassage de celles-ci qui portaient de nombreuses couches d'enduits débordant et même de pièces scellées à la cire de bougie.

 


 

Nettoyage de la couche picturale et allègement des repeints.

 

L'ensemble des fonds de cette oeuvre avait été noirci afin de masquer l'état d'usure et probablement également pour rendre plus dramatiques les effets picturaux. Nous pensons aussi que le réalisme des rendus, notamment au niveau de la dentition des différents personnages, a été volontairement effacé (Christ, Vierge et Saint Jean ; seules les Ames du Purgatoire avaient conservé la représentation de leur dentition sous des repeints.

 

 

Pose d'enduits et structuration des mastics.

 

Autour des nombreuses incrustations de pièces et sur leurs surfaces dépourvues d'enduit et de peinture (notamment sur les pourtours hauts et bas), il a été posé un mastic (ou enduit) coloré à base de blanc de Meudon et de terre de Sienne brûlée. Les surfaces plus petites ont reçu un mastic modo stucco commercial.

 

 

Restauration picturale

 

L'ensemble des surfaces lacunaire acryliques ont été peintes à l'aide de fonds colorés (peinture acrylique et d'épaississant acrylique) sans aucun débordement sur les peintures d'origine, ce qui a permis de restituer  les trames de la facture de ce peintre.

 

Le restant des surfaces altérées a été repris par des glacis de peinture au vernis (très réversible) après la pose d'un vernis isolant mat.

 

L'ensemble de la toile a été reverni (vernis à retoucher Tallens traité anti UV) de façon à homogénéiser la couche picturale et rendre plus agréable la lecture de l'oeuvre."

 

 

AVANT / APRES RESTAURATION

 

La mise en parallèle permet d'apprécier le travail remarquable de Mme Allegrini.

 






 

Le tableau qui a longtemps orné la sacristie a été placé, dans le choeur, entre les statues de Jeanne d'Arc et de Sainte Thérèse. Il peut ainsi être admiré de tous.

 

 

Un grand merci à M. Jacques-Charles Bertrand, conseiller municipal d' Asco, qui nous a transmis ces divers documents.

 

 

 

5) LE CHEMIN DE CROIX DE ANTONIO FRANCESCO MORAZZANI 1896.

 

C’est à San Leonardo de Porto-Maurizio (Ligurie) que l’on doit au XVIIIè s. la dévotion au chemin de croix.

 

Chaque église en principe est dotée de ces 14 tableautins (voire 15 pour certaines d’entre elles), de formes et de matières variées, qui représentent la passion du Christ.

 

Celui d’Asco est très intéressant et dans l'ensemble bien conservé.

 

Dans un délibération datant de 1898, le Conseil municipal d'Asco remercie l'abbé Trojani

     

"desservant de cette paroisse depuis 15 ans environ [qui] mérite des éloges pour le zèle et le dévouement dont il a sans cesse fait preuve ...

 

Si vrai qu'aujourd'hui notre Eglise semble transformée tant la restauration a été exécutée avec goût et intelligence et tous les emblèmes copiés sur des modèles venus de la Capitale du monde Chrétien ... qu'il a encore orné cette église d'un beau chemin de Croix sur toile avec riches cadres ..." (AD.H.C. Bastia).    

 

Page 12 du livret Autour de l'Eglise d'Asco, il est écrit que "cette modeste église possède aussi un beau chemin de croix peint sur toile, dont deux ou trois stations sont, paraît-il, des chefs-d'oeuvre".

 

Une autre délibération de l"époque alloue une somme de "quatre-cents fr. pour la Via crucis ou Calvaire"

 

M.E. Nigaglioni l’attribue à Antonio Francesco Morazzani, auteur des décors peints de l’église (voir plus haut). La date, 1896, apparaît sur la station 1.

 

 

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A.F. Morazzani a également réalisé le chemin de croix d'autres églises : Morosaglia, Moltifao, Venaco. (cf EPAC, p.249)

 


 

6 LES DECORS PEINTS

 

La formule peinte sur le fronton de l’arc qui précède le chœur rappelle d’emblée le patronage de Saint Michel. La formule Quis ut deus (Qui est comme Dieu ?) est associée à l’archange qui transperce le Mal de son glaive.

 

Cette formule qui traduit littéralement le nom hébreu de Michel ( מִיכָאֵל ), apparaît parfois sur son bouclier ou son scapulaire.

 


 

M.E. Nigaglioni attribue les peintures monumentales de l’église d’Asco à Antonio Francesco Morazzani , peintre qui a réalisé aussi le chemin de croix d’Asco en 1896 (voir plus haut). 

 

   "Antonio Francesco Morazzani est né le 5 mai 1842 à Moltifao (Haute-Corse). Il est familièrement surnommé Vellutinu, dans son village natal.

 

      Extrêmement productif, il travaille aussi bien à l’huile sur toile qu’à tempera sur enduit. On lui doit notamment le décor peint d’un grand nombre d’églises paroissiales. Il a réalisé également un bon nombre de grands tableaux d’autel, peints à l’huile sur toile et des décors monumentaux ..." (ME Nigaglioni, EPAC p.249)

 

Au centre de la voûte de la nef, inscrit dans un médaillon ovale, on voit le combat de l’Archange contre le Démon (Apocalypse de Saint Jean 12,7) représenté ici sous la forme d’un monstre mi homme mi dragon.

 

 


 

La scène est visiblement inspirée du tableau de Guido Reni, peintre de l’Ecole de Bologne (1575-1642), (Eglise des Capucins à Rome, 1635), tableau qui a été copié maintes fois partout en France.

 

D’après Wikipedia, le Guide aurait donné à Satan les traits du Pape Innocent X.

 

 


 

La disposition en diagonale que Morazzani reprend fidèlement du modèle, le mouvement des cheveux et de la cape rouge, l’effet de contre plongée, donnent élan et vigueur à la composition.

 

L’opposition entre le Bien et le Mal est encore visible dans le décor de fond du cartouche : Ciel vs Enfer. En haut, ciel bleu et nuées blanches ornées d’angelots, en bas les flammes de l’enfer et de la damnation.

 

Bien d'autres tableaux inspirés de Reni ornent les églises de Corse : Isolaccio, Piedigriggio, Zilia, Casabianca, Venaco, Nocario...

 

Morazzani reprend les grandes lignes de l’œuvre : le chef des milices célestes, beau jeune homme blond cuirassé à la romaine, est saisi en plein mouvement ; il s’apprête à enfoncer l’épée brandie au-dessus de sa tête dans la bête immonde, qu’il immobilise du pied et qu’il va neutraliser avec des chaînes.

 

Beauté vs Laideur ; Bien vs Mal : le Mal est vraiment laid et inspire le dégoût et la peur : face torve, barbu et griffu, ailes de dragon, queue de serpent qui tente de s’enrouler autour de l’archange…


 

Autres figures

 

Au-dessus de l’autel majeur, un médaillon représente deux anges thuriféraires adorant l’encensoir. De part et d’autre, deux petits cartouches ornés d’une tête d’angelot.

 

 


 

 

Au plafond de l’abside, l’agneau de Dieu repose sur le livre saint.

 

 

 

 

Dans l’abside, à gauche et à droite sont peintes en trompe l’oeil deux grandes figures du Sacré-Cœur de Jésus et du Sacré-Cœur de Marie sur un piédestal cannelé.

 

Dans des médaillons circulaires, le tétramorphe, symbole des 4 évangélistes.

 

 



 

Motifs liturgiques ; calice, ciboire, encensoir, navette d'encens ; inscrits dans des triangles décoratifs en tromê-l'oeil qui figurent une corniche sculptée.

 

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Motifs végétaux : couronne de fleurs soulignée d’un lis et d’une palme, fleurs de lis, épis de blé,    pampres et feuilles de vigne (symboles de la Terre Promise et du sang du Christ, feuilles d’acanthe ( ?) ornées d’un cabochon), fleurs bleues (violettes ?) symbole de la Vierge (humilité).

 

 


 

 

Le médaillon de l’Immaculée Conception

 

On y voit les motifs symboliques attachés à l’Immaculée Conception, inspirés de l’Apocalypse    (ch.12) : le croissant de lune et les étoiles ; en général au nombre de 12 et en couronne sur la tête de la Vierge,  les étoiles sont ici disposées en triangle  (symbole de la Trinité ?) et au nombre de 14.

 

Rappelons que c’est en 1735 à la Cunsulta de Corté que les Corses choisirent la Vierge comme patronne tutélaire de la Corse.

 

 

 

Le mot de M E Nigaglioni :

 

« ce décor a été restauré et complété par un peintre du XXe siècle ... sans doute Raymond Rif (Raymond Rifflart) ... à qui l'on peut attribuer le navire Ecclesia et la Vierge à l'enfant. »

 


 

On peut sans doute y ajouter Sainte Julie et sa colombe. 

 

 

 

 

Sainte Dévote ou « Paolella de Bocognano »

 

Le mot de M.E. Nigaglioni :

 

Les métamorphoses de Paolella de Bocognano

 

En 1900, Paul-Mathieu Novellini participe à l’Exposition Artistique Bastiaise.  A ce salon, au titre d’artiste peintre professionnel, il n’expose qu’une seule œuvre : Paolella (étude au crayon, d’après nature) (reproduite dans MEN, EDPAEC, op.cit. p.220-221).

 

Cette Paolella de Bocognano est manifestement la fillette qui a servi de modèle pour incarner une Sainte Dévote, patronne de la Corse que Novellini a présentée au Salon de 1879.

 

Le tableau original est dans une collection privée.

 

Il a servi de modèle pour une lithographie publiée par Novellini, représentant la sainte patronne de la Corse et qui a connu un grand succès dans l’île.

 

Elle a inspiré le peintre Antonio Francesco Morazzani (né en 1842 à Moltifao), quand il décore, en 1896, l’église paroissiale d’Asco.

 

Dans un des médaillons de la voûte, il représente Sainte Dévote en prenant la gravure de Novellini pour modèle.

 

ASCO - Eglise Saint-Michel  - Peintures monumentales : Sainte-Dévote - Morazzani
ASCO - Eglise Saint-Michel - Peintures monumentales : Sainte-Dévote - Morazzani
Lithographie d'après le tableau su salon de 1879
Lithographie d'après le tableau su salon de 1879